Albinisme en Afrique : 18 mois de mobilisation avec le projet APPASAAS
Informer via les médias locaux contribue à diffuser des informations vérifiées sur l’albinisme et à visibiliser les problématiques rencontrées à l’échelle nationale.
Atelier de présentation du projet APPASAAS à Antananarivo (Madagascar).
12/05/2025
Officiellement lancé en octobre 2023 lors de l’octroi du co-financement de l’Agence française de développement, le projet d’amélioration de la protection, de la prévention et de l’accès aux soins des personnes vivant avec l’albinisme en Afrique subsaharienne (APPASAAS) poursuit son déploiement en Côte d’Ivoire, à Madagascar, au Niger, en Ouganda et en République démocratique du Congo.
Genèse et présentation générale du projet
Ce projet est né des consultations avec les associations locales, les institutions publiques et les ONG qui ont mis en évidence la nécessité de renforcer les capacités des associations et de coordonner les efforts avec les autorités nationales pour garantir une prise en charge holistique des personnes vivant avec l’albinisme.
Cette initiative s’articule autour de trois grands objectifs :
- Renforcer l’impact des associations de personnes vivant avec l’albinisme en soutenant leur structuration et leur mise en réseau ;
- Renforcer la diffusion d’information pour améliorer leur orientation et prise en charge ;
- Contribuer au plaidoyer pour la mise en place de politiques nationales de protection liées à l’albinisme.
Pourquoi s’intéresser spécifiquement aux personnes vivant avec l’albinisme ?
Tout d’abord, il s’agit d’appuyer un public vulnérable en raison des problématiques de santé qu’elles rencontrent. En effet, elles sont extrêmement sensibles aux rayons du soleil en raison de l’absence de mélanine, entrainant un risque élevé de développer des cancers de la peau. L’albinisme a aussi un impact sur la santé oculaire : les personnes concernées sont affectées par des déficiences visuelles, notamment des problèmes de basse vision. L’insuffisance de données et de financements dédiés à l’albinisme sont un frein à l’accès à des soins adaptés.
De nombreux mythes et croyances circulent sur cette condition génétique et menacent les droits humains des personnes vivant avec l’albinisme. Les préjugés sont ancrés et contribuent aux discriminations et à l’exclusion, tant au niveau scolaire, professionnel, sanitaire que dans l’espace public. Dans certains contextes, ils viennent même nourrir des pratiques telles que les agressions physiques, les mutilations, les enlèvements voire les meurtres. Des rapports d’ONG faisaient état de plus de 700 attaques pour les seuls 6 premiers mois de l’année 2024.
La combinaison des facteurs de discrimination liés au genre et au handicap expose plus spécifiquement les femmes et les filles vivant avec l’albinisme à différentes formes de violence et d’insécurité. Des mythes encore largement répandus sur l’albinisme peuvent inciter à avoir des rapports sexuels avec une femme, voire une fille, atteinte d’albinisme pour guérir du VIH-Sida et se porter chance. En raison de ces croyances, elles font face à un risque accru de subir des violences sexuelles et des grossesses non désirées mais aussi de contracter des maladies sexuellement transmissibles.
Que s’est-il passé depuis le démarrage du projet ?
Rencontre et sélection des 9 associations partenaires
Les missions de cartographies réalisées dans les 5 pays ont permis de rencontrer les différentes parties prenantes investies pour l’amélioration des conditions de vie des personnes vivant avec l’albinisme. Ces rencontres nous ont permis d’approfondir la connaissance des acteurs du secteur et de la structuration de leur réseau, tout en comprenant mieux les enjeux locaux. Ces premiers échanges ont ensuite permis de poser les bases d’une relation privilégiée avec les associations et les autorités locales, et d’offrir un cadre de collaboration propice à la discussion.
Dès le début du projet, les organisations locales de personnes vivant avec l’albinisme ont été placées au cœur de la dynamique. Ces associations de patient.es déploient des initiatives variées pour sensibiliser le grand public à l’albinisme, diffuser les gestes de protection aux personnes concernées, porter des actions de plaidoyer pour mobiliser les autorités, proposer des prises en charge ou référencer vers des centres de soins adaptés. A travers un processus de sélection participatif, neuf associations partenaires ont été identifiées et bénéficient d’un accompagnement pour structurer leurs actions, accroître leur impact et influencer les politiques publiques.
Ces structures sont les porte-voix des revendications des PAA dans leur pays :
Côte d’Ivoire
- Bien-être des albinos de Côte d’Ivoire (BEDACI)
- Fédérations des associations et organisations pour le bien-être des albinos de Côte d’Ivoire (FAOBEA-CI)
Madagascar
- Albinos Madagascar
Ouganda
- Albinism Umbrella
- Source of the Nile Union of person with albinism (SNUPA)
- Women and children with albinism in Uganda (WACWAU)
Niger
- Association nationale des albinos du Niger (ANAN)
République démocratique du Congo
- Organisation pour le bien-être des albinos du Congo (OBAAC)
- Fondation Julio Levotre

Semaine de formation et de partage de pratiques organisée en Côte d’Ivoire avec les associations partenaires francophones, octobre 2024.
Appui financier pour la JISA
La Journée internationale de sensibilisation à l’albinisme (JISA), reconnue par les Nations Unies depuis 2015 et célébrée le 13 juin, est l’occasion d’organiser des événements de sensibilisation et des campagnes de communication autour de l’albinisme. Des actions sont organisées tout au long du mois de juin pour sensibiliser, informer et mobiliser le grand public et les autorités.
Pour renforcer la mobilisation et la connaissance générale de l’albinisme, le projet APPASAAS lance chaque année un appel à initiatives pour soutenir financièrement l’organisation d’événements par les associations dans le cadre de la JISA.
En 2024, dix associations ont été soutenues pour organiser des temps forts auprès des communautés locales : défilé en fanfare, caravane de sensibilisation, conférences, distributions de brochures informatives et de goodies, projection-débats, sketch, concerts, etc. Toutes ces initiatives contribuent à l’effort collectif pour l’amélioration des conditions de vie et la promotion des droits des personnes vivant avec l’albinisme. Cette journée de mobilisation internationale est centrale pour visibiliser les barrières qui empêchent la jouissance effective de leurs droits humains, et contribue à démystifier l’albinisme. Par leur travail d’information et de sensibilisation, les associations participent à créer un environnement plus inclusif et adapté aux personnes vivant avec l’albinisme.

Défilé dans les rues de Jinja (Ouganda) organisé par l’association SNUPA à l’occasion de la JISA 2024
Formation à l’autodiagnostic organisationnel
A l’automne 2024, les associations partenaires ont participé à une semaine de formation animée par l’Institut Bioforce sur le thème de l’autodiagnostic organisationnel Une session a eu lieu en Côte d’Ivoire pour les 6 associations francophones et une deuxième s’est déroulée en Ouganda avec les anglophones. Au total, 18 représentants et représentantes d’associations ont été formé.es et outillé.es pour réaliser le diagnostic de leur structure et élaborer un plan de renforcement de capacités adapté à leurs défis.
Pendant 5 jours, elles ont questionné leur pratique et leur fonctionnement : quelles sont nos forces et nos faiblesses ? quel est notre mandat ? comment s’organise notre gouvernance ? quels sont nos moyens d’action ?
Accompagner la structuration des associations, c’est leur donner les clés pour inscrire leur action dans la durée et renforcer la pertinence des initiatives déployées sur le terrain.
Témoignage du président de l’association OBEAC lors de la formation animée par Bioforce en Côte d’Ivoire, octobre 2024
Mise en réseau et partage d’expérience
Dans chaque pays, des ateliers d’échanges entre associations de personnes vivant avec l’albinisme ont été organisés pour faciliter le réseautage, le renforcement de compétences et les échanges de pratiques. Des temps de travail thématiques adaptés aux contextes et aux problématiques locales ont été animés pour renforcer la coopération entre les structures, favoriser la réflexion sur les pratiques actuelles et s’accorder sur les principaux enjeux à venir.
Et ensuite ?
Nous poursuivons la dynamique initiée sur cette première partie du projet en co-organisant dans les 5 pays des ateliers d’échanges d’expériences et des sessions de travail thématiques. Des temps de partage de pratiques auront aussi lieu en ligne pour faciliter la mise en réseau entre les associations du continent qui portent des projets sur l’albinisme et renforcer leurs compétences.
Le soutien technique et financier pour la JISA est renouvelé. Il permet aux organisations de déployer des initiatives percutantes sur l’albinisme et de se mobiliser à l’occasion de cette journée internationale.
En mai 2025, un atelier d’échanges régional sera organisé à Abidjan afin de réunir des représentant.es d’associations de différents pays pour discuter des enjeux de la santé mentale. Les sessions de travail permettront aux participant.es d’appréhender les problématiques de santé mentale liées à l’albinisme, de découvrir des initiatives duplicables portées par des acteurs du secteur et de se familiariser avec des outils pour identifier les troubles mentaux et orienter correctement les personnes concernées. Ce sera aussi l’occasion de nourrir le plaidoyer autour des violations des droits humains des personnes vivant avec l’albinisme en apportant des éléments sur les conséquences plus invisibles, et pourtant non moins dévastatrices, qu’elles génèrent.
Dans les prochains mois, de nouveaux supports de sensibilisation sur l’albinisme seront conçus. Mis à disposition des associations, ce sont des outils permettant de faciliter l’animation de séances de sensibilisation et de renforcer la bonne appropriation des informations par le public.